Parmi les nombreux Héraultais qui ont joué un rôle dans cette guerre, en dehors de ceux que nous avons déjà cités dans notre ouvrage, figurent ici quelques-uns d’entre eux qui représentent divers types d’hommes qui ont tenu une place pendant la guerre. Leur situation et leur position sont très variées, de l’officier devenu ministre, du général au simple soldat du 2e classe qui deviendra adjudant ou capitaine, en passant par des hommes politiques, des instituteurs, des prêtres, des ingénieurs, des industriels, des médecins, des aviateurs, des artilleurs, des brancardiers… Ces divers portraits, souvent inspirés par études menées par des historiens ou des érudits locaux, et d’après leurs fiches matricules personnelles et des documents manuscrits, constituent une mosaïque sociale impressionnante, du vigneron au polytechnicien, qui enrichit ce travail. Il était bon, nous a-t-il semblé, de présenter leur biographie qui n’a pu trouver place dans notre livre sur les Héraultais pendant la Guerre de 1914-1918 faute de place. Leur absence aurait manqué à notre livre. A tous ceux qui ont été des sources de ces chroniques, merci.

Né en 1891 à  Castelnau-le-Lez, décédé accidentellement le 9 décembre 1925, il fut un des premiers pilotes héraultais, dès 1910. Il fonda l’aéro-club  de l’Hérault. Il avait été victime de deux accidents déjà avant la guerre. En 1914, il est mobilisé – il est nommé adjudant en 1916. Pilote expérimenté, il fait 79 bombardements en 900 heures de vol. Il sera pilote d’essai. Après la guerre, il restaure l’Aéro-club de l’Hérault.  Il fait des vols de démonstration en Italie. Il est tué dans un accident  de vol en 1925. Dans le cimetière de Castelnau-le-Lez, se trouve un monument commémoratif en l’honneur de ce « héros de l’aviation » dont  l’auteur est inconnu. Il s’agit d’un buste en marbre avec des inscriptions gravées sur le socle.

Nouvelle marque d’attachement à ce personnage : à  l’entrée de l’aérodrome de Candillargues; une stèle érigée  en son honneur en tant que fondateur de l’aéro-club de l’Hérault.

Jean Bec, petit vigneron à Montagnac est né le 11 octobre 1881. On sait de lui +comme brancardier au 96e RI, il part à la guerre en janvier 1915. Evacué le 3 février 1915 pour des problèmes intestinaux, il revient au front le 22 juillet 1915, dans une unité combattante du 96e RI, à Valmy. Légèrement blessé le 15 août 1915, il reste dans la région champenoise jusqu’au début 1916, date à laquelle il est déplacé dans le secteur du Chemin des Dames. Ensuite, il part dans le secteur de Verdun (juillet 1916-avril 1917). Ses notes journalières de janvier 1915 à septembre 1918 ont été publiées  dans Bulletin des Amis de Montagnac.

  Jean est un bon soldat si l’on se fie à ses récompenses et à ses citations : le 19 septembre 1915, la croix de guerre est remise à sa compagnie pour « sa belle tenue dans les tranchées ». Le 24 novembre 1915, c’est lui qui en est le bénéficiaire avec la citation suivante « Seul gradé survivant de sa section, n’ayant que huit hommes valides, a conservé le 6 octobre 1915, sous un violent bombardement, toute la journée et une partie de nuit, le terrain conquis et l’a organisé défensivement ». Le 27 décembre 1915, nouvelle citation au corps d’armée : « Vieux sous-officier qui, une nouvelle fois, s’est distingué dans la contre-attaque du 8/12/15. A, bien que blessé à la main gauche, donné l’exemple du mépris le plus absolu du danger.

    Jean Bec pense aux siens avant l’attaque, dans un moment difficile ou d’abattement. Il sera très affecté par  la mort de son fils Pierre, nourrisson de seize mois. La manière dont il commente ce drame laisse voir la force de son caractère : « Petit Pierre rend le dernier soupir, s’envole vers le Ciel. C’est un ange qui veillera sur son père (…) la mort de mon petit Pierre a sauvé sûrement la vie de son papa car celui qui m’a remplacé au commandement de la section a été tué. »

   Il faut dire que Jean Bec est un croyant pratiquant. La religion est pour lui un recours dans les mauvais moments : « Il faut prendre tout cela en esprit de pénitence » « Beaucoup de morts et de blessés mais pas de pertes à ma section. C’est aujourd’hui la fête de mon St Patron. Quelle fête ! Je l’invoque tout particulièrement et ai confiance en lui » Et de se situer  à propos du  sens de la guerre : « que ce sang ne soit pas versé inutilement, qu’il régénère notre chère Patrie, qu’il lave toutes nos fautes et toutes celles de nos gouvernants ! Faites qu’ils reviennent à de meilleurs sentiments et que désormais la France mérite pour toujours le titre de fille aînée de l’Eglise. » On retrouve là une  phrase qui exprime lemême sentiments à plusieurs reprises sous la plume de l’abbé Bonnal, curé de Saint-Denis, à Montpellier.

    A l’égard des Allemands, il se montre très agressif. il souhaite venger les victimes françaises des « vilaines brutes de boches » Suite à une attaque, il semble vouloir dire que  des Allemands qui voulaient se rendre ont été tués : « Ah !… têtes de boche, c’est bien les premiers que je vois de si près “ kamarades, pas capout !!”. Ils veulent qu’on leur laisse la vie sauve cependant que les nôtres ne sont plus ou seront invalides pour le reste de leur vie ».

  Les notes de Bec font place à cette camaraderie du front que nous avons évoquée dans notre ouvrage. . En témoigne cette chanson  créée par ses camarades de la 4ème section de la 2ème compagnie de mitrailleuses du 96e RI, à fredonner sur l’air de la Paimpolaise, dont un couplet parle de lui :

« Voyez c’est la quatrième

Sous les ordres du sergent Bec

Qui n’en est pas à ses premières

Et qui pour nous est notre chef

Qui ne s’en fait pas, il est un peu là

Aussi la section entière

A beaucoup d’estime pour ce gradé

Que ce soit à l’arrière

Aussi bien que dans les tranchées [i] »

   Ce soldat décoré laisse petit à petit transparaître un agacement certain, puis un ressentiment explicite envers la hiérarchie, la conduite de la guerre, l’inégale répartition des sacrifices au sein du pays, un peu à la manière d’Elie Montagne de Sallèles du Bosc.  « Rien ou pas grand-chose à se mettre sous la dent. Les journaux nous bourrent le crâne en nous disant que les boches manquent de vivres, je suis porté à croire que c’est plutôt nous »  Donnant d’abord  l’impression de répercuter le discours hiérarchique, l’auteur est nettement moins bien disposé quelques mois plus tard, avant d’apparaître tout à fait dégoûté des exercices comme s’il était à la caserne  : « On dirait que les officiers sont payés pour vous enlever le peu de bonne volonté qui vous reste. Avec ce froid de loup, on nous amène de force à l’exercice »

  On trouve dans son texte une rancœur contre les officiers, et les gouvernants, la césure entre les combattants, ceux qui risquent leur vie sur le champ de batailles, et les officiers d’Etat-major est sans cesse réaffirmée. Bec se plaint des inégalités de confort entre les cagnas des soldats et celles des officiers Les jugements portés sur le sens de tels engagements sont rudes : « Un coup de main a lieu au 304. Pendant une bonne heure, les rafales de grenades font rage. Là encore, il y aura sûrement de nos camarades d’infortune qui auront payé de leur vie pour le plaisir de quelque légume installé à 20 ou 30 km à l’arrière à téléphoner. Il faut sans rimes ni raisons redresser 15 ou 20 m de tranchées. On fait ainsi zigouiller quelques-uns de plus de la classe ouvrière. [ii]»

  Pendant l’hiver 1917, une vaccination est le bon filon pour rester à l’infirmerie : « ayant tout fait pour me faire porter malade, je vais à la visite et tire 8 jours » (14 février 1916, II, p. 28). Le 21 avril, un pas définitif est franchi vers un éloignement sans retour du front : « je reviens de la visite et, avec l’aide de mon lieutenant qui est intime avec le major, me traitant pour une fatigue générale, m’envoie quelques jours à l’infirmerie divisionnaire. J’en suis fort heureux ? C’est un commencement de marche vers l’arrière. Je tâcherai de faire un deuxième bond et d’autres s’il le faut, pour aller le plus loin possible ». Et ensuite : « je quitte mes amis et camarades avec le ferme espoir de ne plus revenir et leur donne rendez-vous vers l’intérieur. J’estime avoir fait mon devoir quand il y en a tant et tant qui n’ont pas encore bougé de l’intérieur. »

   Jean Bec n’est alors plus mobilisé qu’en principe, celui qui était parti avec une ferme résolution patriotique a terminé sa guerre. Sa principale occupation, décrite de façon plus relâchée dans la suite de ses carnets, est dès lors de se maintenir à l’arrière, en usant de tous les recours que son âge et ses états de service lui permettent d’ailleurs de solliciter : hospitalisation,  permissions de repos et pour travaux agricoles notamment. Il passe par chez lui, à Lyon, ou encore à Rodez, où il finit sergent fourrier, chargé de jeunes recrues en la compagnie desquelles il voit la guerre se terminer dans la banlieue parisienne. Il n’en part pour rentrer chez lui que le 20 février 1919, où, dit-il « la démobilisation vient me rendre à ma femme, mes enfants, mon foyer » (sept. 1918, II, p. 44).

Ce personnage, né à Saint-Pargoire, le 3 mars 1885, fut prénommé Albin Walter, mais on lui attribua le prénom usuel de Pierre. De telles substitutions ne sont  pas rares dans les familles. Devenu instituteur, il épouse une institutrice, et le couple exercera à l’école publique de Montagnac. Deux enfants leur étaient  nés avant 1914. Pierre commence la guerre au 322e RI de Rodez, à 29 ans, avec le grade de sergent obtenu lors de son service militaire. Adjudant dès le 29 août, il passe au 96e ; il deviendra adjudant-chef en mai 1916. Il participe successivement aux combats de Lorraine, puis de la Woëvre à la fin de septembre, et de Belgique en hiver 1914-15. Cette année 1915 fut surtout celle de la Champagne : Beauséjour en mars ; Perthes-les-Hurlus en septembre. Il se trouve à Verdun et aux environs en 1916 et 1917, puis en Alsace. Intoxiqué par les gaz, il est évacué à l’extrême fin de la guerre, le 27 octobre 1918.

   Survivant, il a tenu à garder trace écrite de ce qu’il avait vécu, mais il nous dit lui-même qu’il ne s’est appuyé que sur quelques notes et sur sa mémoire, et qu’il a écrit « dans le calme de la famille et longtemps après la tourmente » de telle sorte que ses « jugements ne risquaient plus d’être déformés par les terribles impressions du moment »… Les dates précises sont rares dans  son texte ; par contre la description des lieux et des épisodes est fort bonne.

  Son  récit présente d’abord des faits et des situations bien connus par ailleurs. La mobilisation se fait dans la « désolation générale. Très vite apparaissent ses premières critiques des chefs : le général Taverna à la parole peu fiable ; le colonel qui n’aime pas les soldats du Midi ; les officiers qui volent les hommes sur la nourriture ; les lâches qui ne sortent pas de leurs abris, même pour leurs besoins naturels ; le général Grossetti, est qualifié de « boucher de Beauséjour ». Pierre Bellet décrit les blessures volontaires, les prisonniers allemands contents de leur sort, l’arrivée des bleus de la classe 14, les troupes marocaines à propos desquelles il se demande pourquoi ces hommes-là font cette guerre. Comme tant d’autres déjà cités dans cet ouvrage, Louis Bonfils par exemple,  il  pense que le grignotage du père Joffre est une tactique « absurde et criminelle ». Les attaques échouent : « le courage ne peut rien contre des fils intacts, une boue qui rend tout mouvement impossible, et des mitrailleuses bien cachées qui rentrent en action au moindre indice d’attaque ». Les sorties sont « précédées d’un bombardement de 75 sans effet et qui prévient charitablement les Boches que nous allons attaquer. L’ennemi ne riposte pas encore, mais « dès que les hommes sortent des tranchées, les mitrailleuses les déciment et les marmites rappliquent. Finalement, les hommes ne veulent plus marcher. »

    Plus rares, ces notations sur les instituteurs mal vus par les officiers supérieurs ; sur les permissions au cours desquelles on espère qu’il va se produire « un événement que l’on ne s’explique pas, mais qui nous permettra de ne plus revenir au champ d’honneur, au champ de la mort ». ll  parle d’un sujet très rarement évoqué dans nos lectures de manuscrits, mais qui a été bien étudié par Le Naour.  Sur l’arrière-front, selon lui,  se pratique le sexe à deux niveaux : « Ayant à communiquer le rapport journalier à un capitaine princièrement logé chez une baronne, je le trouve en caleçon, sortant de la chambre de son hôtesse, tandis qu’au rez-de-chaussée, l’ordonnance lutinait la soubrette de la maison » (Rémi Cazals précise que cette version a été  édulcorée par le petit-fils de l’adjudant ; l’original est plus cru et donne les noms des personnes). Pierre Bellet évoque encore des exécutions, fruits d’une justice expéditive,  des hussards peu enclins à remuer la terre pour aménager leurs tranchées, des chiens dressés pour effectuer des liaisons, mais qui se retrouvent tous aux cuisines pour récupérer quelques morceaux… Terminons sur cette situation décrite vers la fin de la guerre dans un village de Lorraine où « des hirondelles avaient construit leur nid. Au moment des relèves, nous nous passions comme consigne de respecter ce nid. C’est avec le plus vif intérêt que j’ai suivi la vie de ces hirondelles. Je les ai vues couver et, quand je suis revenu, à la relève suivante, les petites hirondelles s’essayaient à voler et nous quittaient ensuite. »

Sources : www.crid1418.org/temoins/2013/01/05/bellet-pierre-1885-1971/‎ *Marc dos Santos, Les mémoires de la Grande Guerre de Pierre Bellet, adjudant au 96e régiment de Béziers, mémoire de master, Université de Toulouse Le Mirail, 2007, 287 p. Ce mémoire contient la transcription intégrale des cahiers de Pierre Bellet.

Né à Saint-Drézery en 1897, il a laissé un texte de 166 pages grand format intitulé « La vie d’un homme, récit autobiographique. Dans ce texte dactylographié, il consacre 38 pages très fournies à sa vie durant la guerre de 1914. Après une grave maladie qui mit sa vie en danger, il avait été réformé. Il fut finalement mobilisé en octobre en 1916. Il ne veut pas de grade. Il s’arrange pour ne pas être admis à la formation des élèves aspirants, puis au peloton. Il restera donc 2e classe. Mais comme il avait commencé un stage de pharmacien à Montpellier, il sera affecté à cette unité. Après une période de formation vécue dans diverses garnisons de la région : Montpellier, Béziers, Pézenas, Lodève, Mèze… il est envoyé à Giromagny dans le territoire de Belfort où il arrive le 21 juin 1917. Il a 20 ans. Il passera ensuite à Petit-Croix le 15 octobre 1917, puis à Belfort. Envoyé au front, il se retrouve dans l’Aisne, du côté de Bagneux, en Picardie, à 10 Km de Soissons. Il y est fait prisonnier en juillet 1918. Le 11 novembre, il se considère comme libéré et rentre tranquillement chez lui en passant par Maubeuge, Amiens, Paris, pour arriver à Lunel-Viel. Après un mois de permission, il doit rejoindre la caserne. Employé un certain temps au bureau du colonel à Montpellier, il est affecté à Mazamet où l’on regroupe des anciens prisonniers dans des camps de rapatriés pour leur apprendre les nouvelles méthodes de la guerre en vigueur dans l’armée. Cette activité lui pèse vraiment. Comme il est bachelier, on décide de l’affecter au bureau de l’intendance à Montpellier, où il gère des dossiers, sous les ordres du fils du doyen Valéry. Il sera libéré le 28 septembre 1919. (Source : cahier dactylographié chez L. Secondy)

Né à Montélimar en 1885, décédé à Montpellier en 1965, Marcel fait des études à Saint-Jean de Maurienne, puis à Grenoble. Il ne peut suivre la carrière militaire dont il rêvait par suite d’une myopie. Il prépare son agrégation d’histoire à Lyon. Il est reçu en 1909. Il va enseigner au lycée du Puy, puis ensuite à Grenoble. En août 1914, il est mobilisé comme lieutenant de réserve au 175e régiment d’infanterie. Blessé sur le front français d’abord, il est ensuite envoyé aux armées du front à Salonique. Il est cruellement blessé en juin 1915 aux Dardanelles : il perd un œil et on doit l’amputer d’un bras. Maître de conférences à la Faculté des Lettres de Montpellier, il obtiendra la chaire de professeur d’histoire moderne et contemporaine en 1921. C’est dans cette ville qu’il va mener ses activités en faveur des mutilés. Cette année-là, il va être élu président de l’Association des Anciens Combattants et victimes de guerre née par suite de la transformation d’une modeste association des mutilés de Montpelier qui s’était formée en 1916. Il va devenir président d’honneur de la fédération départementale, l’Union Héraultaise en 1926 et il sera un des responsables de L’Union Fédérale, où il est réélu des années durant. Il présidera aussi l’Union Internationale des Anciens combattants et Mutilés de tous les pays. Il prononce de nombreux discours en France et à l’étranger lors de congrès et de colloques. Professeur en Sorbonne, il occupe le premier siège de l’histoire de la colonisation. Recteur de l’académie de Grenoble de 1941 à 1943, membre du Conseil national, pétainiste convaincu, il sera suspendu à la Libération et mis à la retraite d’office.(Pierre Clerc)

Né à Montpellier le 11 décembre 1891 dans le faubourg de Boutonnet, ce jeune félibre correspond en occitan avec Pierre Azéma lors de ses années de guerre. Il a été avec lui élève de l’Ecole des Frères. Il a écrit avec lui une pièce de théâtre « Jouta un Balcon » en 1910. Il fait son service militaire en Corse. Lors de la mobilisation en 1914, il est caporal. Au moment de sa mort, à Milecocq, dans l’Oise, le 11 juin 1918, il était capitaine. C’est dire qu’il a franchi un grand pas dans la hiérarchie militaire. Pourtant, il se montre très critique à l’égard du commandement. Il se fait, dans son courrier, le défenseur des méridionaux, dont la réputation, après l’affaire du XVe corps est contestée par nombre d’officiers. Sa dispute avec l’un d’eux l’amènera même devant le conseil de guerre, où il sera blanchi. Il collabore au journal « Lou Gal ». Son engagement va loin en ce domaine : à des soldats du Midi qui se trouve dans un régiment de Normands, il ose dire : « Vous êtes tombés dans un régiment où votre beau pays est mal vu, où on vous interdira de parler votre langue, et ce n’est pas en français que vous pourrez vous souvenir des bords du Rhône ou des collines des Cévennes. Je ne vous conseille qu’une chose, c’est de bien vous entendre tous, de vous épauler, et si quelqu’un parle mal de votre pays, s’ils disent que nos frères n’ont pas fait leur devoir, prenez une barre et frappez. Avec les cons, inutile de raisonner » Il écrit qu’il a osé dire tout haut ce que d’autres pensent tout bas. Il est connu comme l’officier le plus « emmerdant » de toute la division. Audacieux aussi : il ira avec un collègue accrocher des sonnettes aux fils que les Allemands ont tendus près de leur tranchée. On devine le tintamarre lorsqu’elles sont tirées ! Durant la guerre, il a été détaché au camp de Saint-Véran près de Nice, en novembre 1915, en tant que lieutenant. Il revient au front en octobre 1916. (Sources : Pierre Clerc et Guy Barral)

 Il  est né à Cette le 22 mars 1885 d’un père employé du chemin de fer et d’une mère sans profession. Lorsqu’il se présente devant le conseil de révision, il est employé de commerce. Ajourné en 1906, il a été exempté pour faiblesse générale en 1907. Il s’est marié à Cette en juin 1913.

    En novembre 1914, il s’engage pour la durée de la guerre « dans le service automobile exclusivement « ? Il reste à Lyon pour une période d’exercices jusqu’en mars 1915. Il monte alors dans le Nord , à Ypres, puis en Artois au 14e Train, où les camions transportent des hommes, des vivres ou des munitions. Chauffeur, il est parfois désigné comme cycliste ou comme cuisinier, cette dernière fonction étant beaucoup moins pénible et beaucoup plus appréciée. Tous les soldats de la Grande Guerre n’ont pas connu le feu. Le 7 avril 1915, Armand Bonneton et quelques camarades font une « excursion » aux tranchées. Le 25 juillet 1916, quelques marmites ayant coupé la route devant le convoi de camions, il note qu’il a vécu là son « baptême du feu ». Par contre, les conditions de vie des chauffeurs sont souvent très dures. Ils subissent la pluie, le froid, les ordres stupides qui provoquent des fatigues inutiles, l’absence de ravitaillement. Faute de cantonnement, ils dorment parfois dans des hamacs suspendus dans le camion. Voici le récit qu’il fait du 22 octobre 1915 : « Durant toute la nuit, la pluie n’a cessé de tomber avec force et, dans notre camion, l’on aurait dit des cailloux qui tombaient du ciel sur notre bâche. À notre réveil une belle lune se montrait et qui a favorisé notre marche jusqu’à l’aurore. La route est grasse, nombreux dérapages. Les camions marchent comme des crabes et font la valse. J’ai mal aux poignets de tenir le volant et avec mon compagnon nous nous remplaçons souvent. Près de Barlin un camion, le n° 1, a glissé dans un fossé, à nous de l’en tirer car nous sommes les derniers de notre convoi. Nous y arrivons après l’avoir remorqué sur un parcours de 100 mètres, ce n’est pas malheureux. Nous reprenons la route et à une descente le derrière menace de passer devant ; ça y est, c’est la danse. Enfin nous arrivons à Nœux-les-Mines et le soleil qui ressemble ici à la lune s’est enfin montré. Où est le soleil du Midi doré et brillant ? Une heure d’attente au four à chaux de Nœux et la relève des  de Loos arrive ; c’est du 77e d’infanterie de Cholet. Tout le monde est embarqué. Toujours des dérapages et la valse continue. […] Je ne suis plus maître de ma direction et les roues arrière commencent le patinage et finalement glissent dans le rebord de la route. Les poilus rouspètent et se cognent les uns contre les autres. Pour ma part je tempête plus qu’eux. Pas moyen de me dégager et je continue la descente par côté. En bas je finis par m’arrêter et tout le monde descend ; ça y est, je vais être engueulé. Non, pas du tout, tous rient. Un Poilu me dit à l’oreille : « Dis, vieux, tu n’aurais pas pu nous blesser? »

  Armand est un  catholique fervent ne rate aucune occasion d’exercer ses talents d’organiste dans les églises du pays, d’assister à la messe y compris celle « dite par un aumônier militaire dans une voiture chapelle » le 13 juin 1915. Quelques jours plus tard, ému par la proximité de l’anniversaire de son mariage, il écrit : « Ce n’est point par pure dévotion que je me dirige avec mes compagnons vers ce clocher qui tous les jours dans ses sons d’airain annonce pour moi une victoire prochaine, mais, comme à Cette, j’y retrouve les mêmes chants, les mêmes airs et les mêmes idées, le tout orné et fait au même moule. L’on y voit également la même main qui y est passée, et pour Qui cela a été fait. Tout cet ensemble, dans son architecture simple et quoique pourtant bien loin de ceux qui me sont chers, me fait un peu oublier mon éloignement et semble me rapprocher de mon pays natal. » À cette même date (20 juin 1915), il souhaite « que cette maudite guerre d’extermination soit terminée le plus promptement possible avec notre succès final ». Plus tard (1er janvier 1916), lui et ses camarades souhaitent « que 1916 nous apporte la victoire et la paix surtout ». Le Cercle occitan de Cette conserve le « carnet de route » d’Armand Bonneton qui se termine curieusement : « Le 25 sept. 1916. Départ pour Amiens à 5 h 20 le soir. Fini permission. Adieu le bonheur, etc., etc., jusqu’à la démobilisation le 7 avril 1919. » On comprend qu’il a survécu. On comprend aussi qu’il a recopié ses notes en les illustrant de quelques photos. On ne sait pas pourquoi il s’est arrêté à cette date : avait-il cessé de prendre des notes pendant la fin de la guerre ? A-t-il renoncé à en poursuivre la transcription ? Sa fiche matricule (Archives de l’Hérault 1R 1186) nous apprend qu’il a quitté le front en octobre 1916 et qu’il a été classé « service auxiliaire » en décembre 1917 pour des problèmes de santé non liés à une blessure de guerre. (Source http://www.crid1418.org/temoins).

Fontenay (Mlle Jeanne de) et l’accueil des blessés

   Cette bourguignonne, fille d’un important industriel de Baccarat, installée à Lamalou avec sa mère transforme sa villa Jeanne d’Arc, ouverte en 1911 d’abord pour les prêtres malades, en centre d’accueil pour des soldats qui ont besoin de soins, malades ou blessés convalescents.  Elle dira en 1919 : que transformer s maison en ambulance était « notre devoir, comme femmes de France, de nous donner à nos vaillants soldats…Aux jours de fêtes les défenseurs  l’Eglise et les défenseurs de la France se réunissaient à la même grande  table ; joie pour tous alors, et grande satisfaction de mon cœur ». Sa maison devient l’ambulance N° 6 à partir du 10 octobre 1914 et le demeure jusqu’au 2 janvier 1919. Sa collaboratrice, Mme Robert d’Abeilhou et elle-même se font  infirmières et hôtesses. Quatre cahiers manuscrits présentent tous les militaires résidents, année après année, avec leur curriculum vitae, des photos, voire des portraits au crayon. L’Abbé Alzieu en a recensé 329. Les soldats qui ont chacun leur chambre et prennent d’excellents repas en commun appelaient leur hôtesse «Maman». Aux activités communes s’ajoutent des séances de chants patriotiques comme « La Chasse aux loups » ou religieux comme « Sous l’étendard ». Après le départ des soldats français arrivèrent des Américains. La villa devint pour un temps assez bref « l’ambulance américaine ». Cette maison sera qualifiée par le ministre de la guerre «d’ambulance modèle », en décembre 1918.  (Abbé Gérard Alzieu, Bulletin de la Société archéologique et Historique  des Hauts Cantons, de l’Hérault, n°30, 2007)  et  Louis Secondy, inédit).

Né à Hérépian le 16 juillet 1859, mort à Béziers le 24 juin 1935, il fait partie de ces industriels qui jouèrent un rôle important dans l’Hérault avant  et après la guerre de 14.  Après avoir travaillé dans l’administration et travaillé à la construction du chemin de fer de Mazamet à Bédarieux , , il va créer diverses  entreprises pour fabriquer des clôtures de propriété et des piquets de vigne, puis des poteaux électriques et télégraphiques. Il fonde la Société des wagons foudres de Béziers, Il crée la Société biterroise Force et Lumière en 1904,. Il se lance ensuite dans la production d’énergie danns la Société des Force motrices de l’Agout. Il fut président de la Chambre de commerce de Béziers de 1913 à 1934. (Clerc)

Guilhaumon Charles (1876-1950), un politicien dans la guerre et dans la paix

voici un as de l’aviation : Charles Guilhaumon. C’est un personnage hors du commun, né à Puisserguier le 25 juin 1876, dans une famille d’agriculteurs qui va connaitre une ascension sociale assez extraordinaire. Propriétaire viticulteur, docteur en droit, avocat à Paris, chef de cabinet du député Antonin Lafferrre, ministre du travail en 1910-1911, quand débute la Première Guerre Mondiale il est maire de Puisserguier. Il a alors déjà accompli son service militaire dans le corps de l’infanterie, dont il est sorti sergent. Il est mobilisé le 2 août 1914 comme gestionnaire à l’hôpital d’évacuation du V° Corps. Quel destin le pousse alors vers l’aviation ? Il était vice-président de l’aéro-club Du Midi. Il demande alors à être versé dans ce corps d’armée, le 1° septembre 1915. Il devient élève pilote à l’école de pilotage de Chartres et obtient son brevet de pilote le 27 décembre 1915. Il intègre alors, le 26 février 1916, l’escadrille MF33. Il prend part aux combats d’Artois en février Mars 1916, de Verdun en avril-mai 1916, de Champagne de juin à août 1916, puis de la Somme en septembre-octobre 1916. Il est cité à l’ordre de l’aéronautique en Juillet 1916 pour « son activité inlassable, son courage ». La citation précise qu’il a « contribué par ses observations et ses réglages aux succès des dernières attaques » et que son avion « a été atteint plusieurs fois par le feu de l’ennemi ». Capitaine, aux commandes d’un Farman F60, il est abattu dans un combat aérien avec son copilote le lieutenant Paul Rouch, le 16 Octobre 1916 au-dessus du front dans la Somme. Fait prisonnier il est d’abord soigné à Péronne puis enfermé au camp d’Osnabrück. Il sera transféré en Suisse, à cause de ses blessures, à Lausanne, du 26 Juillet au 26 novembre 1918. Il est député de l’Hérault de 1919 à 1932 dans la 1ère circonscription de Béziers, inscrit au groupe républicain socialiste, puis chez les radicaux. (Base de données des députés français depuis 1789, Jean Sagnes, in P. Clerc)

Née à Montpellier en 1860, est l’une de ces femmes bénévoles, laïques ou religieuses, souvent anonymes, qui, remplies de dévouement, furent très actives pendant la guerre. Cette historienne, bien connue et estimée de nos jours, remplit dans cette ville, un rôle remarqué par ses contemporains, d’aide et de soutien aux blessés, et ce jusqu’à sa mort le 6 mai 1918. Il faut dire que ce service était dans la ligne de sa vocation de pénitente blanche, confrérie dont elle suivait les règlements à la lettre. A l’occasion de son décès, le cardinal de Cabrières lui a rendu un éloge appuyé.(Semaine Religieuse de Montpellier, passim et Clerc)

Curé de Soubès. Né en 1872, il fut mobilisé durant toute la guerre du 6 août 1914 au 13 janvier 1919, comme infirmier militaire à la 16e section de Perpignan puis à l’hôpital de Bron, près de Lyon, reste très proche de ses ouailles, en particulier des jeunes. Il entretient avec les soldats une correspondance personnelle. Il animait sur la paroisse un groupe de jeunes catholiques, d’où sa proximité avec certains soldats qui, à lire leur correspondance, avaient pour lui beaucoup d‘amitié et de respect comme en témoigne les intitulés de l’immense courrier qu’il reçut : Cher curé, cher Pasteur, Monsieur l’Abbé. Il publie Le Messager paroissial, bulletin mensuel, Paroisse de Soubès et de Fozières, qu’il a créé en 1908. . Cette revue contribua avec les Echos de Soubès, à la glorification du village. De loin, il procure aux soldats du village des aides et des secours spirituels, tout en les informant des nouvelles de la localité. Quand il revient en permission, il en profite « pour raviver la vie paroissiale, honorer les morts, et exhorter les vivants à la piété, au patriotisme et à la confiance ». Ce témoignage émane de l’instituteur public du village, Jean-Antoine Sauzet. Il sera successivement nommé à Fabrègues puis à Aumes.

Né à Toulouse en 1893, mort à Montpellier en 1974. Ce fils d’un instituteur et petit-fils d’un déporté, victime du Coup d’Etat du 2 décembre 1851, acquiert une vaste et profonde culture humaniste tout en concevant un mépris de la bourgeoisie intéressée. Il fit ses études au lycée, de 1909 à 1911, et à la faculté des lettres de Montpellier. Il est mobilisé en septembre 1915 au 24e régiment d’infanterie coloniale sur le Front de Lorraine. Parti caporal le 10 février 1916, il est nommé sous-lieutenant le 6 mai 1917. Il se marie le 17 août 1917 à Marie-Jeanne Serre, originaire d’Aniane (Hérault). Fait prisonnier le 30 mai 1918, Paul Marres reste en Allemagne jusqu’à la démobilisation. Nommé lieutenant, il est titulaire de la Croix de guerre 1914-1918. Fidèle à ses conviction, il participera à la résistance et il perdra son fils Louis, qui participait au combat avec les FTPF et qui fut tué le 21 août 1944 avec sept camarades.(Sources :http://www.histoire-contemporaine-languedoc-roussillon.com/Bio%20Marres.html et souvenirs personnels)

Né le 13 décembre 1879 à Ribérac (Dordogne), est un avocat français, sénateur et secrétaire d’État, déporté par le convoi 39 du 30 septembre 1942. Lauréat de la  faculté de droit de Montpellier, docteur en droit et premier secrétaire de la Conférence des avocats en 1906, conseiller général radical socialiste du canton de Lunas, constamment réélu. Pierre Masse est élu député de l’arrondissement de Lodève en 1914. Quelques mois plus tard, il part pour le front où sa conduite valeureuse est récompensée par la Croix de guerre et la Légion d’honneur. Il est  capitaine, lorsqu’en 1917 Paul Painlevé l’appelle dans son nouveau gouvernement comme  sous-secrétaire d’État à la Guerre chargé de la justice militaire, des pensions et des prisonniers de guerre.  Il figure  du 12 septembre 1917 au 15 novembre 1917 dans le Gouvernement Paul Painlevé. Au Conseil Général, il sera chargé des travaux publics.

   En 1919, battu aux élections, il abandonne la vie parlementaire pour se consacrer à sa carrière professionnelle. Devenu l’un des plus grands civilistes de sa génération et un éminent avocat d’assises, il siège au conseil de l’Ordre de 1928 à 1934. L’année 1939 voit son retour en politique : il est élu sénateur de l’Hérault et adhère au groupe de la gauche démocratique. Le 10 juillet 1940, à Vichy, il tente vainement, avec Jean Boivin-Champeaux, d’obtenir de Pierre Laval l’inscription dans la nouvelle Constitution de la garantie des libertés individuelles et vote finalement en faveur des pouvoirs constituants pour le maréchal Pétain.

En octobre 1940, lors de la parution du décret chassant de l’armée les officiers d’origine israélite, Pierre Masse envoie au maréchal Pétain une lettre de protestation. Peu de temps après, il accepte d’être l’avocat de l’auteur dramatique, Henry Bernstein, diffamé pour ses origines juives par un journaliste devenu, depuis peu et grâce aux Allemands, le directeur du journal Je suis partout. Sa brillante plaidoirie lui fait une publicité redoutable.

En février 1941, Pierre Masse reçoit une circulaire adressée à tous les parlementaires leur demandant de préciser s’ils sont d’ascendance juive. Dans une seconde lettre adressée au maréchal Pétain, il exprime avec vigueur son refus d’être traité « en  Français de la deuxième catégorie ».

Il est enlevé le 20 août 1941 en compagnie de six confrères, tous juifs et parmi les plus célèbres du barreau de Paris, Me Jean Weill, Théodore Valensi, Maurice Azoulay, Albert Ulmo, Gaston Cremieux et Edouard Bloch. Il sera séquestré à Drancy, puis à Compiègne. Dans l’un et l’autre camp, sa préoccupation première est d’aider ses camarades de captivité, consolant les uns, partageant avec les autres les quelques colis qui lui parviennent. Pour essayer de le soustraire à cette antichambre de la déportation, des amis ingénieux imaginent de toutes pièces un prétendu abus de blanc-seing dont se serait rendu coupable Pierre Masse. Leur but, gagner du temps en suscitant une enquête approfondie, est partiellement atteint : il est ramené à la prison de la Santé et incarcéré comme détenu administratif. Mais le non-lieu prononcé par le procureur de la République Maurice Gabolde le renvoie à Drancy, puis à Compiègne. Le Maréchal Pétain adresse, tardivement, une demande de libération aux autorités d’occupation. Celles-ci donnent une fin de non-recevoir en s’étonnant que le cabinet civil du Maréchal s’inquiète du sort d’un « juif particulièrement dangereux… ». Le 30 septembre 1942, il est déporté à Auschwitz où il disparaît au cours du mois d’octobre. (P. Clerc, Benoît  Yvert)

Eugène né à Montpellier le 19 septembre 1876, il décédera à Montpellier où il est inhumé, le 15/2/1939. Il est issu d’une famille de notables protestants, d’origine cévenole, bien connue. Son oncle,  Jules Pagezy nommé en 1852, maire de Montpellier par Napoléon III, fut élu député de 1863  à 1869, puis sénateur de 1873 à 1879. Eugène  effectue ses études au lycée de  garçons de   Montpellier de  1884 à 1894. Il entre alors à l’Ecole Polytechnique d’où il  sort en 1896. Il choisit de  servir dans l’Artillerie. Son frère Jacques, futur général de division, avec qui  on le confond souvent,  suit la même carrière.

   Il est décrit comme un homme de taille  moyenne (1,69 m), aux cheveux blonds, yeux bleus,  nez et bouches moyens, menton rond, visage ovale. Il suivra les cours de l’Ecole de cavalerie en 1900-1901, puis sera  instructeur d’équitation. Il passe capitaine en 1908. Il suit le Cours pratique de tir au camp de Mailly en 1911

    Mais dès 1904, Eugène Pagezy montre ses qualités de technicien et de théoricien, en rédigeant un premier ouvrage sur les « Erreurs de pointage du canon de 75 »  livre qui a fait référence. En 1907, il traite des « télémètres »  et révèle un intérêt  très vif pour l’aéroplane, comme le  montre un de ses articles intitulé « En marge de la théorie des aéroplanes ».

Le 1er août 1914, alors qu’il s’apprêtait à entrer à l’Ecole de Guerre, il est envoyé  à Dinan comme commandant de la 6ème batterie du 10° RA. C’est à la tête de son unité qu’il s’illustre par son exemple et son courage, d’abord en août, en Belgique puis, en septembre 1914, en France. Il paye de sa personne.  Il est blessé à plusieurs reprises : le 29 août 1914, par un éclat d’obus, au cours du combat d’Aubigny ;  le 10 septembre 1914, dans le combat de Puisieux. Il est brûlé cuir chevelu et aux mains,  et affecté d’une surdité de l’oreille gauche par explosion de cartouches contenues dans un caisson ; le  20 septembre 1914, nouvelle atteinte par plusieurs éclats d’obus, dans le combat de La Neuvillette  avec une douzaine de plaies dans la région dorsale).

   Le 21 septembre 1914, il prend le commandement du 1er Groupe du 50°RA et il y est nommé chef d’escadron à titre temporaire, le 13 octobre 1914. Son groupe passe à l’Artillerie  divisionnaire de la 131° Division d’infanterie le 8 juillet  1915. Il est une nouvelle fois blessé (légèrement) par une balle de mitrailleuse, le 19 août, dans la tranchée de Marie Thérèse, dans la région de Brienne-le-Chateau.

    Au début de la guerre, on se demande comment réagir  aux survols des aéroplanes d’observation ?  Pagezy réfléchit aux mesures à prendre pour effectuer correctement des tirs contre les aéronefs. « Au cours de l’hiver 1914-1915, il rédige  un mémoire qui pose pour la première fois et de façon nette et scientifique, les principes du tir contre aéronef. » Le  général Sainte-Claire Deville, Inspecteur de l’artillerie, prescrit de s’en inspirer pour la rédaction de « l’Instruction provisoire sur le tir antiaérien et manœuvre de la pièce ».

   Le 19 août 1915, il est nommé à la tête de l’artillerie de la 2° Division de cavalerie engagée dans le secteur de Burnhaupt-le-Haut et Leimbach. Il rejoint son poste le 5 septembre. Le 1er février 1916,  il est placé à la Présidence de la  Commission d’études pratique du tir contre les objectifs aériens et il est désigné simultanément pour  prendre la direction du Centre d‘instruction du tir contre aéronefs à Arnouville-lès-Gonesse. Il devient alors chef d’escadron à titre définitif en juin  1916. Il perfectionne les méthodes de tir et participe à l’invention des premiers appareils de mesure des paramètres de vol et de préparation des tirs : altimètres, télémètres, correcteurs, etc. C’est à ce poste qu’il va faire notablement progresser les techniques de tir  antiaérien.

  Le 20 octobre 1917, il est le premier commandant du 63ème régiment d’artillerie, unité qui réunit toutes les formations de DCA des Armées. Pagezy s’emploie à visiter les unités du Front, à assister aux tirs, à conseiller les artilleurs.  « Il applique ses idées à l’amélioration de l’efficacité du tir de nuit, au  développement de méthodes de tir indirect. » Il est nommé lieutenant-colonel, à titre temporaire, en octobre 1917.

  Le  1er mai, Pagezy écrit  au Ministre de la Guerre: « J’ai l’honneur de vous demander de me remettre là où j’ai toujours demandé à rester, c’est-à-dire à la tête d’une troupe qui  se bat ». Il quitte le commandement du 63°RA, en juillet 1918, mais il est néanmoins maintenu Directeur du centre d’Arnouville-lès-Gonesse et Président de la Commission d’études du tir contre objectifs antiaériens.

    La guerre finie, il aura encore une longue carrière. Il  continue  à approfondir ses théories sur le tir antiaérien, il poursuit  ses  travaux sur l’amélioration des matériels, les publie dans plusieurs mémoires et prononce de nombreuses conférences au cours desquelles il a fait part de sa conviction de l’importance de la DCA dans les conflits modernes

    Il  est nommé lieutenant-colonel à titre définitif, le 23 septembre 1919.  Il est affecté au 1° RDCA (régiment de défense contre avions)  puis au 13° RA et il en est détaché comme stagiaire à l’Ecole Supérieure de Guerre, du 2 novembre 1919 au 30 octobre 1920. Il y obtient le Brevet d’état-major.

    Il est nommé  au 1er Bureau de l’État-major de l’armée, Section des matériels de guerre, le 23 octobre 1922. Il est promu colonel, le 25 mars 1924. Il prend le commandement du 28°RA divisionnaire, le 9février 1925, à Wiesbaden, puis à Mayence.  Quoique restant affecté à cette formation, il prend par intérim le commandement de l‘artillerie de la  37° Division, le 9 janvier 1926. Il conserve ce commandement lorsqu’il est nommé général de brigade, le 23 novembre 1927. Début 1928, il suit l’enseignement du Centre des Hautes Études militaires.

   Le 17 juillet 1928,  le voilà commandant de l’artillerie de la 16ème Région militaire et il y est  promu général de division, le 1er  juillet 1931. Il est placé à la tête de la 31ème Division d’infanterie de Montpellier, en novembre 1931. Le 17/7/1928, il est nommé commandant de l’artillerie de la 16ème Région où il est promu général de division le 17/7/1931. Il est placé à la tête de l’artillerie de la 31ème Division d’infanterie de Montpellier, le 2/11/1931. Le 23/7/1934, il reçoit le commandement de la 18ème  Région à Bordeaux, puis, le 9 avril 1935, il est nommé membre du Comité technique du Génie et de la Commission des régions fortifiées. Placé en 2ème section (réserve), le 27/9/1937.

Nommé commandant de la 8° région mobilisée le 20/10/1937. Reçoit le rang et appellation de général de corps d’armée. Désigné le 24/1/1938 pour exercer à la mobilisation un  commandement dans la 9° Région (Cdt du 12° corps  d’armée). Remplacé dans son commandement et rendu  disponible le 24 juin 1939.

  Le 1/1/1936, il est détaché au Ministère le 1/1/1936. En coopération avec Riberolles, il a mis au point un appareil électrique de préparation de tir antiaérien qui sera officiellement adopté en 1934 sous l’appellation de « Poste central de tir direct modèle 1934 ». En juillet 1934, il prend le commandement de la 18ème Région militaire à Bordeaux. Il connait alors de sérieux problèmes de santé. Le 9 avril 1935, il est nommé au Comité technique du Génie et de la Commission des régions fortifiées. Il profite de temps libre pour effectuer des études sur l’artillerie des fortifications. Le 1 janvier 1936, il est détaché au Ministère de l’air, auprès du général Vice-président du Conseil supérieur de l’air et Inspecteur général de la Défense Antiaérienne du Territoire (IGDAT) ; il y rend de grands services comme conseiller technique en matière de DCA. Le 29/5/1937, restant affecté auprès de l’IGDAT, il est de plus accrédité auprès de la Section technique de l’artillerie et de la Commission d’études pratiques de DCA.

    Il quitte le service actif, le 19 septembre 1938. Le général Vuillemin dira de lui  le  20 novembre /1938 : « Au cours des derniers mois, le général Pagezy s’est fait le promoteur et l’ardent propagandiste de nouvelles méthodes de tir antiaérien. Avec toute son intelligence restée très lucide et une belle clairvoyance de l’avenir, il s’est attaché à adapter l’artillerie antiaérienne à la rapidité des moyens aériens. Il est ainsi resté comme toujours, un grand serviteur du  Pays, qui lui doit toute sa reconnaissance. »

  Il a été décoré à diverses reprises : Croix de guerre 1914-1918 ; 2 citations à l’ordre de l’armée (1/11/1914, 13/8/1919), chevalier LH : 11/1/1916. Officier LH : 16/6/1920. Commandeur LH : 29/12/1932. Grand  officier LH : 30/6/1938., Officier d’académie Médaille commémorative de la Grande Guerre. médaille commémorative de la Victoire. Décorations étrangères : Chevalier de l’Ordre de Léopold de Belgique, Distinguished Service Order britannique, Army Distinguished Service Medal américaine. Source : http://cesane.artillerie.asso.fr/Texte/DocumentsMemorial/2.63.Les_PAGEZY.pdf,, Clerc)

Né à Marseillan le 28 décembre 1856 et mort à Saint-Cloud le 26 février 1920, c’est un général français, l’un des premiers organisateurs de l’aviation militaire française.. Fils d’une famille modeste, enfant d’une vive intelligence, il bénéficie d’une bourse d’études qui lui permet de préparer le concours d’entrée à l’École polytechnique, où il devient l’ami de Joffre. Ayant choisi à sa sortie l’arme du Génie, plus ingénieur que militaire, il crée lors de ses campagnes coloniales de nombreuses structures (voies ferrées, ponts, routes) au Tonkin, en Algérie et surtout à Madagascar. Cette île lui doit une grande partie de son aménagement.

   Pierre Auguste Roques fut successivement lieutenant au 2e Régiment du Génie (1879), capitaine détaché à la colonne expéditionnaire du sud-oranais en 1882, chef de bataillon en 1892, lieutenant-colonel en 1898. Colonel directeur du Génie et des travaux publics de Madagascar en 1901, il devient en 1906 directeur du Génie au ministère de la Guerre et inspecteur général de l’aéronautique militaire naissante. Il est promu général de brigade en 1906, puis général de division en 1909, il est le plus jeune chef d’armée avec ses succès sur la Marne et en Lorraine. Proche du général Joseph Joffre, il remplace le général Galliéni comme ministre de la Guerre du 16 mars au 12 décembre 1916,  il fut remplacé par Lyautey. Il prend ensuite le commandement de la IVe Armée jusqu’à la fin de 1917. Le général Roques prend sa retraite en 1919.

Il contribue à l’essor de l’aviation militaire française  En tant que directeur du Génie, il s’occupe à partir de 1906 de la gestion de l’aéronautique naissante. Il est le créateur et le véritable organisateur de l’aviation militaire française. En 1911, année où se déroule le concours d’aéroplanes militaires de Reims – une première mondiale en la matière – qui permet à l’aéronautique française d’acheter « scientifiquement » ses premiers aéroplanes, il décide que les « établissements d’aéronautique » porteront dorénavant le nom d’«escadrilles » et que les « aéroplanes » seraient désormais appelés « avions » d’après le nom choisi par Clément Ader pour son propre appareil, en hommage à cet ingénieur visionnaire avec lequel il correspond régulièrement. On lui doit également le « carnet d’emploi du temps des pilotes » devenu par la suite le « carnet de vol » encore en usage aujourd’hui.

Mort à Saint-Cloud le 26 février 1920, inhumée tout d’abord à Marseillan, sa dépouille est ensuite transférée à l’Hôtel des Invalides à Paris, où elle se trouve aujourd’hui.

  Il fut  l’objet de nombreuses décorations françaises : Légion d’honneur : Chevalier (05/07/1887), Officier (29/12/1898), Commandeur (10/07/1907), Grand Officier (11/07/1912), Grand-Croix (11/01/1916), Médaille militaire (29/01/1920). Médaille Interalliée de la Victoire, Médaille Commémorative de Madagascar, médaille Commémorative de la Grande Guerre et étrangères : Grand-Croix de l’Ordre Royal de Léopold. Italie: Grand-Croix de l’Ordre Royal des Saints Maurice et Lazare.

  « Tous lui reconnaîtront une bonté et une humanité qui se sont manifestées à chacun de ses commandements » (Benoît Yvert)

Sauzet Jean-Antoine, un instituteur exemplaire

   C’est à cet instituteur de Soubès que nous devons cette source appréciable sur Soubès pendant  la guerre. Cet homme qui a la quarantaine en 1914 va assumer outre son travail d’enseignant celui de secrétaire de mairie durant le conflit. Il est le conseiller de beaucoup et l’informateur de la population et des soldats du village. Il est amené à organiser des activités conférences, cours d’adultes, journées de solidarité. Il compose des poèmes, des chansons et fait chanter ses élèves dans les manifestations patriotiques.  Si l’on en croit certains témoignages, il ne passait rien à ses élèves : « Si on était assis, virgule, attentifs et consciencieux, virgule, c’était bel et bien pour travailler. Point. Le cas échéant,  la badine de buis noueux et luisant coupée par le maître lui-même, était là  pour le rappeler, de façons brutale, aux distraits et aux rêveurs » (Peloux 29). Selon lui, on n’était pas à l’école pour se livrer à des travaux de sculpture ou ni « pour se passionner aux évolutions des diptères », Il sera nommé à Montady à la fin de la guerre, regretté par une partie importante de la population qui lui sera reconnaissante de la manière dont il les a aidés durant le conflit. Il a su s’entendre avec sa collègue, directrice de l’école libre de filles, pour pratiquer des activités concertées et avec le curé de Soubès. Tolérance ou sens de l’union sacrée ?

Il est né le 4 juillet 1874 à Saint-André de Sangonis. Son père Edmond s’est marié tard, après une déjà longue carrière militaire. Il  était commandant lors de  la campagne de Crimée. Il deviendra  maire de Jonquières. Il meurt subitement en 1884, peu après la naissance de son dernier fils. André, comme ensuite ses frères, est envoyé dès l’âge de 10 ans à l’école du Prytanée militaire de La Flèche (Sarthe) réservée aux enfants d’officiers. Il entre à l’école de Saint-Cyr en 1894. Il  épouse, Marie Guerre en 1902. Il  est d’abord en garnison à Grenoble, puis, à partir de 1912, à Gérardmer.  Le 3 août 1914, il se trouve dans cette ville avec sa famille, au 152e régiment d’infanterie. Dans ses lettres, il décrit sa voie et ses rares déplacements. « Nous sommes toujours sur la frontière. Aujourd’hui je suis au pied de la Schlucht, donc à peu de distance de Gérardmer. Nous avons été plus loin que cela, nous sommes allés jusqu’aux portes de Colmar, mais comme il aurait fallu trop de troupes pour garder l’Alsace et que l’on en avait besoin ailleurs, on nous a fait rétrograder. Nous sommes donc comme au début. Nous sommes toujours sur la frontière. Nous sommes donc comme au début.  Nous ne faisons pas grand-chose. »  Il se trouve près de Saint-Dié. Le 5 novembre il écrit : « Notre service consiste à aller 4 jours dans les tranchées en face de l’ennemi et pendant 2 jours, nous revenons en arrière où les hommes ont la tranquillité. Nous faisons cela depuis 45 jours en avant de St Dié. » André se préoccupe de la scolarité de ses trois  enfants,  des questions d’argent (soldes, indemnités, dotation par enfant) , de la propriété : vendanges, récolte, prix du vin. Il aime dire que tout va bien. « Comme, au repos, nous sommes à 3 Km de St Dié, nous en profitons pour aller y faire nos emplettes et nous approvisionner. St Dié a repris sa vie normale et nous y trouvons tout ce que nous voulons » « Nous sommes si près des Allemands que l’on peut s’entendre très bien. Ces jours-ci, un loustic s’était amusé à crier « Cou-Cou », un Allemand lui a répondu en faisant le cri du coq. Hier, on voyait une planche circuler au-dessus de la tranchée, un homme tire, l’Allemand lui fait des signaux avec sa planche pour lui indiquer qu’elle était touchée ! Ce sont journellement des plaisanteries de ce goût-là. Cependant, il ne faut pas trop s’amuser à ce jeu-là, car si on se montre, une balle arrive aussitôt. De temps en temps un imprudent sort du trou et se fait attraper. Mais c’est rare. » André Vincens  sera tué le 27 décembre 1914 à 14 heures par un obus allemand devant Steinbach, commune située dans le département du Haut-Rhin et enseveli à Thann. Enterré religeusement dans un caveau d’une famille du pays, son corps sera exhumé et rapatrié à Saint-André le 12 juillet 19222. Le fragment d’obus qui l’a tué était conservé et demeure la propriété de la famille.  (André Vincens, Lettres du Front, Capitaine André Vincens, tué le 27 décembre 1914 en Alsace, plaquette du janvier 2004)

Né à Gignac, le 24 décembre 1900, est un  jeune berger qui travaille dans une propriété  du secteur, le mas de Barral, près de Cabrials,  durant quatre ans, quand il va se retrouver à la guerre. Il a vécu en effet une histoire singulière en se laissant volontairement entraîner au front dans un convoi de militaires stationné en gare de Montpellier. Or il n’a pas encore quinze ans et l’on ne peut s’engager qu’à l’âge de 17 ans. Il va donc vivre et combattre, malgré son jeune âge, comme un soldat ordinaire, couvert illégalement par sa hiérarchie militaire. Malgré cette situation cocasse, il sera de toutes les offensives, des premières opérations de Champagne à Verdun, du Chemin des Dames aux dernières batailles de la Somme. Il sera quatre fois blessé. Il  nous a laissé un manuscrit fort dense et fort intéressant qui a été édité par la commune de Gignac, texte repris par Arts et traditions Rurales. L’auteur ne reviendra dans sa ville natale qu’après de longues années passées loin du pays. Il mourra à cent ans à l’hôpital de Lodève. Il est enterré au cimetière de Gignac

   C’est en 1972 qu’il diffusera les quelque cinq cents pages de « La Closque », récit daté de 1922. Ce manuscrit  a paru grâce au travail de Jean-François Rivaux, instituteur à Gignac de 1993 à 2000, et de Jean-Claude Richard -Ralite, président de l’association « Arts et Traditions Rurales »

   Le maire de Gignac a écrit dans sa préface à cet ouvrage des mots fort justes : « Je retrouve dans chaque ligne, le témoignage saisissant d’un jeune soldat portant un regard lucide sur les  événements tragiques auxquels il participe. La volonté d’agir de ce jeune combattant était sublimée par ce sentiment de révolte qui l’animait. Jour après jour, il notait avec précision comme pour s’éloigner d’un environnement sinistre, les faits marquants de chaque moment de la vie d’un soldat tout en gardant un esprit conscient et critique sur un monde insensé bouleversé par une folie destructrice.» Ce  type de témoignage constitue un des apports essentiels pour la connaissance de nos Héraultais dans la Grande guerre.